Le phénomène ``J'expose``
Le phénomène ``J'expose``
D’après une entrevue avec Geneviève Beaulieu Pelletier, psychologue
Avez-vous entendu parler du phénomène « J’EXPOSE » sur TikTok ? Née récemment, cette tendance a été relayée à plusieurs reprises dans la presse cet été et risque de prendre encore de l’ampleur avec la rentrée scolaire. À quoi sont exposé(e)s nos jeunes avec ce nouveau phénomène ? Comment y réagir ? Voici les explications de Geneviève Beaulieu Pelletier, psychologue et professeure affiliée à l’UQAM.
Depuis quelques temps, plusieurs élèves d’établissements scolaires du Québec en ont déjà été les victimes via le réseau social TikTok. Comme son nom l’indique, cela vise à « exposer » un(e) jeune par le biais d’une vidéo y montrant sa photo et généralement le nom de son école. Et si certaines publications soulignent des réalisations positives, plusieurs servent, bien au contraire, à ébruiter des insultes et des éléments d’intimidation pouvant parfois être graves.
Si l’intimidation n’est pas un phénomène nouveau, on vient d’y ajouter une nouvelle plateforme, explique Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue et professeure affiliée à l’UQAM.
On peut ainsi y lire des attaques sur l’apparence ou le comportement de certain(e)s jeunes avec des affirmations crues, des injures comme « J’expose la plus grosse vache » ou encore « J’expose la fille la plus pute de mon école ».
Attaquants et cibles
Est-ce que TikTok génère ces comportements ? Pas vraiment.
Pour toutes sortes de raisons, depuis la nuit des temps certaines personnes ont été plus ciblées que d’autres. Et ceux ou celles qui ont tapé sur leurs pairs, en y voyant un moyen de se sentir plus fort(e)s ou plus solides, ont toujours existé aussi.
Mais si l’on se fie aux articles rédigés jusqu’à maintenant, les journalistes auraient rapporté un plus grand nombre de victimes de sexe féminin. L’experte apporte cependant un bémol à cette affirmation, puisqu’il n’existe pas encore d’études précises et qu’on ignore toujours vers quoi la tendance pourrait s’orienter dans le futur.
On sait toutefois que le but reste le même ; faire vivre de la honte à la personne visée. Et sur les réseaux sociaux, c’est très facile car les intimidateurs n’ont pas à affronter la complexité d’une cour d’école, avec tous(tes) les profs, les surveillant(e)s, la direction et même d’autres élèves qui pourraient prendre la défense de leur ami(e).
Un contexte scolaire largement dépassé en effet, considérant que l’intimidation impliquant l’école se produit encore au beau milieu des vacances d’été ! Chose certaine, peu importe le groupe d’appartenance ou le temps de l’année, la victime, elle, ressent la même émotion.
Qu’il s’agisse de douleur physique ou sociale, on sait maintenant que ce sont les mêmes zones du cerveau qui sont touchées. ⸺ Geneviève Beaulieu-Pelletier
Alors comment sensibiliser nos jeunes à ce phénomène ?
Intéressez-vous à TikTok
Pour bien comprendre ce phénomène et le prévenir, il est important de comprendre la plateforme TikTok, très populaire chez les jeunes adolescent(e)s.
FACEBOOK C’EST PAS MAL PLUS POUR LES VIEUX. TIKTOK, C’EST BEN PLUS COOL ! ⸺ André, 12 ans
Savoir également que, pour l’instant du moins, J’EXPOSE a pour trame de fond de la musique RAP, dont la chanson Godo Godo, interprétée par Fior 2 Bior. La faire jouer un soir pourrait-il susciter une agréable surprise chez vos enfants et devenir prétexte à parler de ce qui se passe ? Une belle porte d’entrée pour débuter la discussion, serait de leur expliquer que les artistes dénoncent ouvertement que leurs œuvres soient liées à ce genre de phénomène négatif.
Au-delà du post lui-même, il est aussi important de sensibiliser ses jeunes sur l’impact des commentaires laissés sous le post et le nombre de Likes qui peuvent être très blessants. Bien souvent, les jeunes qui laissent ce genre de commentaires ne mesurent pas l’entièreté de leur geste. Les sensibiliser à l’impact de ces likes ou commentaires pourrait aider à en diminuer le nombre et la virulence. De même, inviter son ado à “briser la chaîne » en refusant de partager la publication et en signalant systématiquement ces publications pourrait contribuer à arrêter le phénomène.
Aidez vos jeunes à développer leur esprit critique
On l’aura deviné, bien souvent les insultes découlent du mensonge pur et simple.
On peut très bien imaginer l’histoire d’un ado qui aurait demandé à une jeune fille de sortir avec lui et qui aurait essuyé un refus de sa part, explique notre intervenante. Par colère ou frustration, il pourrait ensuite publier quelque chose de totalement faux et de dégradant à son égard.
Il est possible aussi que les faits exposés soient en partie vrais et que le(la) jeune concerné(e) les cachait à ses proches. Cela pourrait avoir de sérieuses conséquences sur sa vie.
Si votre jeune est dans ce cas, vouloir punir ou réprimander pour la faute commise, ne serait pas la priorité. Cela ne veut pas dire de tout accepter ce qui est contre nos valeurs, mais d’exprimer que ça, on pourra toujours en rediscuter calmement plus tard.
Malgré vos émotions négatives liées à cette nouvelle, il est donc important de faire comprendre à votre ado que vous continuez d’être là pour l’aider à surmonter ses difficultés.
Comme parents, il faut avoir cette profonde conviction que c’est la relation avec notre jeune qui est fondamentale, même si par moment il(elle) adopte des comportements que l’on désapprouve. ⸺ Geneviève Beaulieu-Pelletier
Votre jeune a été attaqué(e) ? Faites une pause.
Si votre jeune a été sujet(te) à des attaques sur TikTok, invitez-le(la) à faire une pause du réseau social.
Mais attention de ne pas couper non plus tous ses liens Internet avec des ami(e)s significatifs(ves), prévient notre intervenante, qui selon elle demeurent des ressources importantes.
Et l’école ? Devrait-on effectuer une pause là-dessus aussi ?
Ça dépend du (de la) jeune. S’il ou elle se sent assez solide et confiant(e) pour y retourner immédiatement, pas de problème. Mais s’il ou elle est bouleversé(e) et souffrant(e) au point de le refuser, mieux vaudrait peut-être prendre un recul là aussi. Du moins, le temps d’en parler à la direction.
Finalement, malgré tout ce chaos, il faudrait savoir prendre une pause permettant d’évaluer les dommages collatéraux vécus par la fratrie de la victime, qui elle aussi risque se sentir profondément blessée.
Moi, j’haïrais ça être la sœur de cette personne-là, pis qu’on rit de moi aussi. ⸺ Laéla, 13 ans
À l’inverse, une action rapide devrait être entreprise pour assurer la protection immédiate du (de la) jeune. N’hésitez jamais à exiger la fermeture de certains comptes fautifs, ni d’avertir les autorités policières.
Ainsi, exposons au grand jour la seule honte qui devrait véritablement l’être !
Votre jeune est concerné(e) par cette situation ? Faites-lui lire cet article 👉 Le cyberharcèlement et la cyberintimidation
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